Vous êtes ici : Accueil > L’enquête surprenante des sursauts gamma débute en pleine guerre froide…

Multimédia | Matière & Univers | Contenu de l'Univers

L’enquête surprenante des sursauts gamma débute en pleine guerre froide…


​Soupçonnés lors de la guerre froide d'être la signature d'une explosion nucléaire extra-atmosphérique, les sursauts gamma vont révéler toute leur origine cosmique. Bien qu'extrêmement furtive, leur énergie considérable voyageant à travers le ciel renseigne sur les premiers instants de l'Univers. Retour sur une cinquantaine d'années de recherche que la mission franco-chinoise Svom s'apprête à enrichir.

Publié le 1 juillet 2024

​Tout commence suite à la crise des missiles à Cuba. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS signent à Moscou le 05 août 1963 le traité d'interdiction partielle des essais nucléaires, c'est-à-dire dans l'atmosphère, dans l'espace et sous l'eau. Peu après son entrée en vigueur le 10 octobre de la même année, les Etats-Unis envoient des satellites espions, les sondes Vela, destinés à surveiller l'application de ce traité dans l'espace. Il se trouve que les explosions nucléaires ont une signature dans le rayonnement gamma et c'est ainsi qu'en 1967 les Etats-Unis observent une incroyable bouffée gamma, la première. D'autres sondes sont envoyés jusqu'en 1970 et affinent l'hypothèse d'une provenance cosmique plutôt que de celle d'un essai nucléaire. En 1973, les données couvertes par le secret militaire sont déclassifiées au profit de la communauté scientifique, dans un article du 1er juin 1973 de l'Astrophysical Journal qui fait pour la première fois mention d'un sursaut gamma, sous l'appellation GRB (Gamma Ray Bust).

De l'observation dans les gamma et dans les X

En 1991, une expérience de l'observatoire gamma Compton de la Nasa prend le relai : l'expérience Batse. Jusqu'à 2000, la mission qui opère dans une large bande du spectre électromagnétique (de 20 KeV à 1000 MeV) va détecter jusqu'à 2407 sursauts gamma. Les astrophysiciens vont ainsi dresser une carte avec des coordonnées galactiques qui va conduire à une découverte : les sursauts gamma proviennent de tout le ciel et pas que de notre galaxie. Les chercheurs observent également que certains sursauts sont très courts (inférieurs à une seconde) et d'autres longs (de l'ordre de la minute).

Parallèlement, l'observatoire de l'agence spatiale italienne BeppoSax fait progresser de manière très importante la compréhension des sursauts gamma. Sa principale caractéristique est la largeur du spectre électromagnétique dans lequel ses instruments observent : des rayons X mous (0,1 KeV) jusqu'aux rayons gamma (300 KeV). En 1997, la mission observe pour la première fois une émission rémanente de sursaut gamma, baptisé GRB971214, dans le rayonnement x. Son énergie est telle que la lumière de cette émission rémanente a voyagé pendant 11,7 milliards d'années (sur les 13,9 milliards de l'âge de l'Univers).

La révolution du masque codé pour mieux localiser les sources gamma

Dans les années 2000, fort de connaissances et de nouvelles questions qui s'accumulent, la communauté est convaincue qu'il faut pouvoir détecter les sursauts gamma dans toutes les longueurs d'onde, du fait de leur émission rémanente dans le rayonnement X et visible, et de mieux localiser les sources gamma dans une très large portion du ciel. Or, il est impossible d'appliquer les principes de focalisation optique (lentilles, miroirs) à l'observation des rayons X durs et gamma sur des grands champs de vue. C'est là qu'apparaît le principe du masque codé, une technologie bien maîtrisée en France et au CEA-Irfu qui a été le premier à la mettre en œuvre dans la mission spatiale Granat Sigma de 1989 à 1997.

DR

C'est donc cette technologie qui est choisie par l'observatoire Neil Gehrels de la Nasa pour sa mission Swift qui observe dans les UV, les X et les gamma. Lancée en 2004, elle détecte jusqu'à 1000 sursauts gamma et confirme l'hypothèse de l'expérience Batse des deux familles de sursauts. La communauté tend à présent à identifier les sursauts courts à la fusion d'objets compacts (étoiles à neutrons, trous noirs) et les sursauts longs à l'effondrement d'étoiles massives. Le 04 septembre 2009, Swift détecte un sursaut gamma très puissant, très brillant mais dont la lumière diminue très rapidement dans le temps. Grâce au système d'alerte d'autres satellite spatiaux et télescopes au sol, ce GRB050904 est localisé et daté lorsque l'Univers était âgé de 886 millions d'années. En 2009, un deuxième objet aussi lumineux à être détecté est localisé à 625 millions d'années.

De nouvelles génération de télescopes

Il apparaît que les sursauts gamma permettent d'étudier l'Univers lorsqu'il était très jeune mais de nombreux mystères demeurent. De fait, des télescopes de nouvelle génération deviennent indispensables pour atteindre trois objectifs :

  • Détecter l'émission très furtives des sursauts gamma dans le rayonnement X ;
  • Opérer un suivi multi-longueurs d'ondes coordonné le plus rapidement possible du rayonnement X à infrarouge ;
  • Dérouter le plus rapidement possible les grands télescopes terrestres lors de la détection spatiale d'évènements exceptionnels.

C'est tout l'enjeu de la mission Svom qui débute. et à laquelel participe très activement le CEA-Irfu.

Haut de page